( 29 janvier, 2014 )

THE AU RIZ

THE AU RIZ

 

Mais quel était dont ce riz mélangé à ce thé ?

Que j’entendais, petit, se planter,  en beauté,

Tels des  hameçons gantés mais prêts  à m’appâter,

Dans mes oreilles fragiles et déjà bien gâtées

Des syllabes graciles brûlantes comme ciel d’été

Qui m’irradiaient, radieuses, générant ma gaieté.

 

Cette boisson si étrange, je ne sus que plus tard

Qu’elle modifiait le monde, bouleversait les regards

Et plus elle était chaude, plus elle plantait son dard

Culminant sur les monts, plantant son étendard

En chantant, haut, son ode, dans les facs et les bars

Faisant boire les bavards et griser les gens d’art !

 

A table, tous étaient envoûtés par ces belles pensées

Thé au riz mescaline, tous les malheurs pansés

Ce mal qui nous ravine, une drogue pour compenser

Et ces flots de savoir avec lesquels danser.

 

Mais quel était dont ce riz mélangé à ce thé ?

Que j’entendais, petit, échangé en piété

Je le compris plus tard et en fut tout hanté

Quand ses arômes puissants  finirent par décanter

Que son parfum naissant volait en légèreté

Dans mes sens exaltés aux papilles dilatées

 

Lorsque le thé au riz devint une théorie

De ma bêtise d’enfant, je m’amusai, souris,

Auparavant naïf, cette nouvelle me grandit

Ce breuvage incisif me donna plein d’envies

 

Une fleur qui germe dans le creux des consciences

Et qui, dans tous les milieux, égrène ses sciences

Comme autant de boutons qui vers les cieux s’élancent

Elle sort de sous la terre et vers l’avenir avance

Se défiant des week-ends, encore plus des vacances

Elle crée des happy-end, jusqu’aux nouvelles errances…

 

Car cette fleur mirifique attend d’être coupée

Ce qui, dans son mathème, renvoie à réfuter

Et, qu’elle soit croyante, profane ou bien athée

Elle suit sa propre pente et fane, elle est mâtée !

 

Mais quel était dont ce riz mélangé à ce thé ?

A présent je le sais, un bouquet de pensées

Qui se répand, joyeux, toujours prêt à danser

Et donnant aux regards ses couleurs chamarrées

 

( 2 janvier, 2014 )

Gueule de boire

 

Gueule de boire

 

 

Le matin, je musarde hors mansarde

Le long des lacs brumeux, je joue au barde

Sans sauvegarde, je me garde des lézardes

En prends pour mon grade et me dégrade.

 

Dégradation aussi ces arbres qui se reflètent.

Leurs crêtes en goguettes se déforment et s’entêtent

A se mêler, net, à ces effluves dans ma tête

Celles qui me guettent, celles de ma dette.

 

Au gré des pas ma vision se transforme

Vice de forme, j’hallucine derrière l’orme

L’apparente silhouette chrome d’une belle môme

Céleste apparition qui, embellit mon psaume.

 

Oui, cette image, mirage, m’a rappelé la vie

Je sors des marécages, cage, et de nouveau survis.

A nouveau de la rage, fin de la litanie,

Je surnage sans ramage et suis ce beau parti.

 

Fleur de lys, lisse, je glisse et tu m’enlises

Je te succède et te bis, toi, ma créatrice

Toi qui, du haut de ton précipice,

Me rends Sisyphe plus qu’incisif.

 

Pour moi, belle lys, devient ma Bérénice ! !

Porteuse de victoire,

Et éclairant le noir,

Plus jamais ces histoires

Finies les gueules de boire…

( 31 décembre, 2013 )

Hommage à un ami,

 

Hommage à un ami,

 

Je voudrais rendre hommage à un ami.

 

De la chaleur humaine il me transmit

Lors des premiers temps passés

Lorsque, cheveux déjà presque rasés,

Pantalon et veste de sport

Chaussure de montagne en rapport

Il descendait de Saint-Etienne

Là où je vivais plutôt vers Vienne

Pour venir travailler sur Feyzin

Il était pourtant loin d’être zinzin !

 

Qu’il avait de la classe

L’éduc de la MAS

Lorsque d’unité en unité

Il transmettait en masse

Ses messages remplis d’équité

Véhiculant sa probité et son intégrité

Aux personnes qui, bien qu’handicapées,

Etaient pleine de volonté

Pour, de leur carcan, s’échapper !

 

Qu’il avait de la classe

L’éduc de la MAS

Mais un jour il nous quitta,

N’en pouvant plus de subir le dictat

Qui pouvait agir comme un prédateur

Lorsque nul ne lui donnait tort

 

Notre éduc de  la MAS

N’aimait pas les rapaces

Et, loin d’être  à la ramasse

Il trouva bien plus classe

De tout laisser sur place !..

 

Je ne le connaissais pas bien encore

Et ce fut par le biais d’un ténor,

Ami éduc que nous avions en commun

Qu’autour de plats épicés aux odeurs de cumin

J’appris à mieux apprécier cet humaniste né !

 

Phil parlait avec une authenticité innée

Ma réflexion fut d’emblée enrichie

Par ces pensées et ce désir d’évoluer

Qui chez lui ne sont  jamais avachis

Sachant avec justesse s’évaluer !

 

Si je fus tant frappé par son respect et son éthique

C’est que ces valeurs manquent en ces temps pragmatiques

Où les biens prennent le pas sur les personnes

Où la raison vacille et où l’argent résonne

Où le cynisme claironne,

Excusez, c’est trop, j’en frissonne !…

 

Phil, comme un dernier rempart

Phil, contre la vanité liée au pouvoir…

Collectionneur, brocanteur à ses heures,

Il aime le terroir et l’ancien fait son bonheur,

Mais il est aussi amateur éclairé de Chimay

Rouge ou bleue, il la déguste comme jamais

De la fumée sort alors de nos verres « à la trinque »

Tant nos discussions vont loin et tant elles nous requinquent

Porté en permanence

D’une vraie  humilité

Authentique rémanence

De l’ancienne charité

Valeurs que d’aucuns n’ont connues, que d’autres ont oubliée,

Phil n’a jamais perdu de vue ce qu’écouter veut dire

Il accepte tous les avis et sans nullement médire

Il commente et se garde bien de juger son prochain,

Tant l’autre à ses yeux reste, dans sa complexité, quelqu’un.

Il m’a aidé, lorsqu’en des temps obscurs

Je me questionnais sur les chemins impurs

 

La religion me semble pour lui une caisse de résonnance

Faites de croyances, espoirs et valeurs agrégés dans une transcendance

Phil, capable de se mettre en danger pour son intégrité…

Comme lorsqu’il me parla, lors d’un dîner arrosé, sa sexualité

Je compris alors que  son amour dépassait les bornes sexuées

Et qu’il était prêt à franchir les barrières de railleries ou bien encore d’huées

Avait-il choisi de ne pas choisir ou bien de tout prendre ?

La présente célébration manifeste l’attachement de cet homme

Pour un autre que je croisai plus tard et appris à apprécier

Justin, personne de conviction et pleine de connaissances en somme

Justin, même humilité et bientôt une amitié qui n’a jamais vacillé

Malgré des différents

Qui ne sont que faux semblants

A la grande époque des Fourbisseurs, belle artère d’Avignon,

Ils nous recevaient pour un repas copieux  du moins à mon opinion,

Puis nous circulions dans la ville fortifiée, toujours reçus comme des papes

Pour quelquefois reprendre la fête au soir, retourner aux Agapes

C’était  à charge d’une revanche qui se prenait champ du Roy

Là où les festins n’en étaient pas moins de fort bon aloi…

A quand la route vers la Ciotat,

Où nous ne céderons pas un iota

Pour fêter les pins et la mer

S’enivrer d’un bon vin et  rejeter l’amer ?

 

Aujourd’hui pas plus témoin que vous de cette belle fête,

Je n’en suis pas moins Témoin, me tourne vers eux pour leur dire : Faites !…

Et que votre amour vous porte encore longtemps sur les rives de la félicité

Là  où le bonheur s’alanguit et la quiétude a droit de citer

Que vous vous éleviez encore plus haut vers la clarté, loin des opacités

Celles qui par devers nous nous éloignent de toute probité

 

Bonheur à vous…

 

( 30 décembre, 2013 )

AGASEF STORY : LA FORCE DE L’HETRE

 

AGASEF STORY :

LA FORCE DE L’HETRE

C’est l’histoire d’une association,

Une association créée  pour promouvoir l’action sociale,

Une association qui n’a cessé de s’agrandir, se construire, s’enrichir, se bâtir,

Une association qui a dû se transformer, se réformer, s’est déformée et reformée

Tout cela sans jamais se renfermer.

Cette association, sur ses missions, a su se centrer,

Puis se décentrer, cherchant ailleurs, pour enfin se recentrer

Autour de valeurs sûres

Ou d’un labeur plus pur

Une association qui, dans un monde complexe, a pu enrichir ses équations

Toujours avec cette recherche d’adéquation avec un social en mutation

Cette association est comme un arbre, un hêtre

Car elle cherche à être plutôt qu’à paraître,

En cela elle n’a jamais caché,

Sous aucun ramage ni plumage,

Ses choix et parrainages,

Cette association, cet hêtre, fête aujourd’hui ses 40 ans,

Elle est au centre de la mouvance, au centre du courant

Maturation, force de l’âge,

Ramification, soigne ses entorses et surnage

Cet hêtre aujourd’hui de plusieurs mètres de haut,

Retrouvons-le quand il n’était encore qu’arbrisseau :

L’après-guerre, aux politiques,  incita à un nouvel humanisme,

Il fallait mettre de côté les racismes et surplomber les égoïsmes

Après la destruction systématique et raciale, après la solution finale,

Chasser les inégalités et faire de la fraternité un nouveau fanal

D’où l’urgence d’une nouvelle politique d’aide aux défavorisés,

De la pauvreté, les décideurs ne pouvaient plus être désabusés

Une sensibilité civique pour un nouveau contrat social à naître

Tous, association comme collectivités locales, avaient à s’y mettre.

Dans les années 50, Henry Groues plus connu comme l’Abbé Pierre

Eut l’ambition, alors jugée utopique, d’abriter tous les déshérités

Il créa les cités d’urgence comme premier lien, première tanière

Sorte de revanche contre le destin animée d’une vraie solidarité

L’hiver 54 fut rigoureux et vit les chiffonniers, compagnons d’Emmaüs,

Construire pour les malheureux, des logements sociaux, et fuir les laïus,

Ces discours creux qui, loin de bâtir, se perdent en compromission

Et plutôt que d’aider les vrais nécessiteux, se dispersent en toute autre mission

A ces initiatives personnelles suivirent d’officielles campagnes politiques

Planifiant de grandes actions, pour dissoudre la misère d’une façon étatique

Ces plans, fondés sur un désir messianique de bâtir un état providence

Permirent que de nouveaux projets se multiplient à régulière cadence

Années 60 :

Sur Saint-Etienne, des missions telles que la résorption des bidonvilles

Furent commanditées à des foyers comme les SONACOTRA

Loger des personnes en grandes difficultés faisait partie de leur contrat

Néanmoins ces regroupements artificiels excluaient les gens des villes

Ne favorisant pas leur enculturation et estompant tout développement potentiel :

Une aide des nantis pour autant que le miséreux demeure loin de  leur propre ciel !

Une véritable entraide empathique  devait donc se donner d’autres moyens

Afin d’éviter un effet « banlieue », mise au banc, rejet, exclusion

Il fallut créer une association, intermédiaire et agrégeant, créant de l’inclusion

Une synergie entre politique, juridique, social, éducatif pour y inscrire des citoyens

Sortir des taudis

Sortir des discours,

Sortir des prosodies

Pénétrer une autre cour

D’où la naissance d’un nouvel organisme social à durée temporaire

L’Association de Gestion des Actions Sociales et des Ensembles Familiaux

Nous sommes en 1969 et elle doit accompagner les précaires

Créer avec les autres communautés de véritables  liens plus filiaux

L’arbrisseau, l’hêtre, naît  de cette graine d’humanité

La forêt où elle voit le jour est encore clairsemée.

L’arbuste est arrosé par le liquide vital des subventions

Il engendrera ses propres outils de soins et de préventions

Et s’étayera sur la force d’une ligne directrice,

Contre la violence, le rejet et la misère, se faire protectrice

Là sera, de notre arbuste,  le tronc commun

De là ses parfums capiteux aux senteurs de jasmin.

Composée au début d’une assistante sociale, petite sœur de l’assomption

L’AGASEF grandit et très vite un nouvel éducateur vint y apporter contribution

Pour encourager les familles à entrer dans le champ de la responsabilisation

Avec cette saine ambition à terme de contribuer à une vraie autonomisation.

Début 70, l’association  se dote à sa tête d’un directeur charismatique : Mr BERLEY

Avec ses dix ans d’expérience dans le secteur, une vraie volonté de son front perlait

Pour lui l’esprit d’initiative est à la crainte anxieuse ce que la Harley est  au Solex

Homme au fort gabarit, la nonchalance avec lui se tarit ; plus qu’une Festina : une Rollex

Alors, conviction, motivation et éducation partent en guerre contre la misère

Le nouveau directeur connaît la région, le secteur, la cité, les zones moins prospères

Certes, il faudra du temps et de la patience pour que son action soit plébiscitée

Mais, du centre social de Reveux, contre la misère sociale il voulait batailler

Parallèlement à ça, des faits d’incivilité  surviennent  dans les quartiers

Sur ce point tout y est : Petite délinquance, vol, dégradation ou langage de Chartier

Pour y faire face, en 1975, s’ouvre le service de prévention spécialisée

En cela un vrai soutien des jeunes en voies de marginalisation sera avalisé

L’action vise à combattre l’isolement et cherche à restaurer les liens sociaux

Tout cela avec l’ambition de limiter toutes formes de rejets raciaux

Respect, civilité et aide à l’adaptation sociale  en sont les fers de lance

Enrayer à la base les actes de délinquance permet à l’AGASEF une relance

Pour la « prév », les financeurs en sont  l’aide sociale à l’enfance  et la DDASS

Des organismes solides renvoyant aux calendes d’éventuelles menaces

Ainsi, notre hêtre, notre arbre, vous le comprenez, se ramifie

Il prend corps, a du cœur et s’agence autour de ce tronc qui le fortifie

Il a la couleur grise argentée et naissent de ses extrémités,

De jolies faines agrémentées de feuilles entourant leur intégralité

De là, des branches plus épaisses vont pousser peu à peu.

De 1972 à 2000, l’association soutient ainsi les centres sociaux,

Dame Blanche, Maison de quartier de Moréno, Séverinne, Centre social de Reveux,

L’ex arbrisseau s’observe dans le miroir et s’étonne de monter si haut !

Le but des centres sociaux est double et sous-tend quelques projets en germe :

Actions de remise en route de maisons de quartier avec reprise d’autonomie à terme

Création d’outils pour aider les nécessiteux puis fermeture naturelle des structures

Ces centres doivent préserver l’idéologie de l’AGASEF pour éviter toute fracture

Et une fois la gestion sociale terminée, ils sont redonnés aux habitants.

Avec cet esprit d’autonomisation qui, pour l’association, compte tant.

L’accession à l’autonomie est un facteur paradoxal

Elle prévoit un attachement marqué d’un long apprentissage

Avant qu’enfin les parfums de la liberté sortent et exhalent

Un respect de soi, l’autre et la loi, en bref, une âme plus sage

Les années 80 :

Notre hêtre commence à foisonner de ses multiples ramifications

Arrosé par de nouvelles subventions issues de la décentralisation

Il se fait l’auteur de sa propre fabrication et accentue ses implications

Il prend de la hauteur, fortifie son écorce et soigne son arborisation

Ses jardiniers, personnel éducatif et social, sont vigilants à bien l’étayer

Des dangers ils savent l’écarter et, quand il le faut, le tailler.

De 79 à 86, l’AGASEF couvre la Société Forézienne de Valorisation et de Promotion.

Elle va se décentraliser, procurer des ressources, des droits et de la formation

A des jeunes précaires en difficultés, hantés par les échecs scolaires et professionnels

Cette société s’autonomisera pourtant en 1986 en laissant quelques séquelles

En 1988, Le service Revenu Minimum d’Insertion prend naissance,

Maryse ROCHEFOL et son équipe devront redonner leur décence

A des gens fragilisés perdus dans une indifférence devenue des plus  banales

Ce grâce à un minimum vital qui en terme d’outil entrera dans les annales.

Notre arbre grandit, se déploie dans un ciel flamboyant.

En 1989, il a 20 ans et se dresse fougueux et  fier comme Artaban

Il est au Printemps de sa vie et résiste à toutes les intempéries,

Il ne craint pas les temps pourris et insiste là où d’autres ont dépéri

L’année 1993 voit la création de Loire Service Environnement,

Se noue une nouvelle façon de faire de l’insertion professionnelle

Nettoyer des rivières et des forêts va devenir institutionnel,

Pour des jeunes  en mal d’insertion, ce job est un avènement

En 1994 se crée l’Accompagnement Social lié au Logement

Ce service aide les personnes à retrouver ou à se maintenir décemment

Dans un foyer alors jugé inadapté, habitat insalubre, moins ami qu’ennemi

A son apogée, il comprendra deux temps partiels et sera rattaché au RMI

Le conseil général va financer ces actions qui,

Habituellement incombent aux entreprises privées.

Début de concurrence sur un marché autrefois enclavé

Fin d’une vieille récurrence, abrogation d’anciens acquis

Cette tendance concurrentielle ne fera que commencer

De 1995 à 2000, les subventions sociales, peu à peu, reculent

Les associations doivent aller sur les marchés, soulever les opercules,

Le travail à l’acte est posé, le soutien à tout crin dénoncé

Inéluctablement le domaine social devient plus agressif

Les termes tarification, prestation, génèrent un caractère incisif

L’infrastructure globale se transforme, les difficultés sont nombreuses

L’AGASEF se doit de rebondir, sortir des pistes devenues creuses

Notre arbre, notre hêtre est attaqué par des parasites,

La forêt est devenue dense et il cherche sa lumière

Pour survivre, il devra se séparer d’une partie de sa bruyère

Pourtant le choix n’est pas facile et encore, il hésite

Ses jardiniers sont à pieds d’œuvre

Mais les pyromanes sont en manœuvre…

Des recrutements et licenciements s’avèrent alors inéluctables.

L’association va atteindre la trentaine et elle est fort instable

Un infléchissement dans sa forme initiale se doit d’être fait

Afin d’éviter que ne surviennent d’incomparables méfaits

Elle doit donc assumer ces modifications structurelles

Et élaguer une partie de ses ramifications conjoncturelles

Pour la survie de notre hêtre

Les jardiniers vont élaguer

Pour que perdure une qualité d’être

Savoir se séparer de ceux qui voulaient l’entailler

En 99, il restera de ces départs volontaires ou précipités des personnes de valeurs

Des anciens qui ont su tenir le cap, des personnes témoins du mauvais temps

Ces personnes sont aux démons ce que le jour est à la nuit, dans l’obscurité une lueur

Répondant encore aujourd’hui « présent », souhaitons qu’elles restent encore longtemps

Ainsi,  Maryline BEGEMONT, cadre de prévention, trouva la force de rester

Femme de valeurs, elle pesa alors de ses convictions face à un service délesté

Et tint les rênes d’une association en pleine mutation structurelle

Avant que d’autres n’arrivent pour l’aider à supporter cette tutelle

Début 2000, la « gazelle », comme la surnomment encore de nos jours certains jeunes,

Voit donc partir son pilier central, Mr BERLEY qui, pour la dernière fois, sur le site, déjeune

Une nouvelle courageuse et téméraire directrice prend alors la place vacante

Anne-Laure FAUSSET  qui devra ré étayer notre arbre trentenaire comme une battante

Munie d’un DEA droit public et d’une expérience d’aide sociale à l’enfance

Elle va devoir accommoder l’association dans un monde en souffrance

Le chômage est massif, l’action sociale plus délicate, plus violente,

Elle doit se restaurer dans une conjoncture socio-politico-économique virulente.

Juin 2000 voit l’AGASEF accompagner la fermeture de son dernier centre social

L’équipe, face à la prise d’autonomie  des bénéficiaires,  décide l’arrêt de son action

Elle reste ainsi conforme à ses idées directrices en évitant par un soutien abyssal

De générer une dépendance colossale désagrégeant les compétences et abrasant toute réaction

Notre hêtre sait faire des choix et préfère de loin l’être à l’avoir

Il refuse de se faire acheter et s’éloigne des gros enjeux de pouvoir

En  2002 se déploie une action d’encadrement des mineurs sur les TIG

Ces travaux d’intérêts généraux visent à faire prendre conscience d’une faute

A des jeunes pour qui souvent le système et ses contraintes fatiguent

Des jeunes en souffrance qui condamnent cette société policière et despote.

En 2003, l’association cherche à se densifier par des actions plus pérennes

Elle n’a jamais eu peur de relever des défis mais désire une meilleure stabilité

Elle redevient excédentaire, seul moyen à long terme de garder les rennes

Elle préserve malgré tout ses satellites gravitant autour d’un axe marqué de solidité

Notre hêtre a 34 ans, il a la cime hors des ombres obscures et voit le soleil

Il est à l’été de sa vie et, même si bourrasques et gros orages l’ont blessé, il veille…

Les années 2003  -2007 sont témoins de l’agrandissement de la couverture associative

Elle s’étend à présent sur l’Ondaine et le Gier et sur tous ces plans, devient plus active

En 2003, elle voit aussi le développement de l’ASI, appui social individualisé

La mesure doit soutenir les chômeurs de longue durée de façon personnalisée

L’ASI couvrira d’abord Saint-Etienne puis s’étendra sur le secteur de l’Ondaine.

L’association se déploie ; pour une pérennité, nous avons là, sûre, une aubaine !

L’ouverture d’un service de réparation pénale se fait également en  2003

Alternatives aux poursuites judiciaires, elle propose, de par une implication éducative

De sanctionner, responsabiliser et sensibiliser le mineur et ses parents à la loi

La « rép » se place ainsi entre la sanction pénale lourde et l’action préventive

Habilitée par le Conseil Général, elle fera partie des structures plus pérennes.

Et enrichira l’association tout en contribuant à la rendre plus sereine.

En 2007, le partenariat avec la Protection judiciaire de la jeunesse se développe

L’Association Départementale d’Aide à l’Insertion des Jeunes naît et la PJJ l’enveloppe

L’AGASEF l’absorbe pour mettre en place une action d’information aux 13-18 ans

Une animatrice ira dans les écoles pour expliquer le fonctionnement judiciaire courant

Courant 2007, l’AGASEF voit aussi l’arrêt des Travaux d’Intérêts Généraux

Sur notre hêtre, une branche de taille moyenne est coupée, il y faudra un garrot.

En 2008 se crée un service d’AEMO/ AED qui accueille une toute nouvelle équipe,

Elle affirme son implantation associative  dans le domaine de la protection de l’enfance.

Encadrée par Albin CLAMASON, elle relève un nouveau défi, un nouveau leadership

Cet homme de conviction qui n’aime pas tourner en rond apporte une réflexion dense

2008 encore : les sections Insertion et bilans socio-professionnels en sont aussi natives

Le « DIAG » est la première mission de délégation de service publique

Les nouvelles équipes sont motivées et  fort sympathiques

En juin 2009, le service RMI devient service  de Revenu de Solidarité Active

Ces équipes sont Chapeautées par Serge ROSEPIECE,

Et travaillent sur le tissu social, le rapiècent

Toutes ces équipes sont jeunes, motivées et dynamiques,

Et tout concourt vers un enthousiasme endémique

Cela dit les arbres, on le sait, ne peuvent pousser sans oxygène ni azote

Ils ne peuvent se passer des nutriments actifs sans quoi c’est la rase-motte

Ainsi l’AGASEF ne peut non plus se passer du pôle administratif

Durant toutes ces années, des secrétaires et de la comptable, soyons admiratifs

Elles sont le maillon intermédiaire central sans lequel les informations

Ne transiteraient plus et resteraient éparpillées au gré des incommunications

Saluons aussi les plus anciens qui ont fait évoluer l’association

Saluons Chélla BOURECHE, comptable depuis des années et femme d’action

Saluons encore Maryline BEGEMONT qui, depuis 1987, soutien la prévention

Et saluons les autres, les piliers, les puristes qui n’ont jamais manqué de passion

Saluons dans la foulée  la partie sans laquelle l’association n’existerait pas

Un grand merci au Conseil d’Administration, président, trésorier, secrétaire,

Il est de notre arbre la sève, point ardent, sourcier et proche de la terre

Il organise  les grandes directions prises et lutte contre, de notre hêtre, le trépas.

C’est grâce à ces talents combinés que l’association a su développer sa philosophie

Adaptation, transparence et autonomisation comme constants défis

Et cette notion de responsabilisation : l’homme désirant et manquant

Devient sujet de ses actes, qu’ils soient liants ou annihilant

Il trouvera toujours réponses en autrui à ses agissements

Qu’ils se matérialisent par des sanctions ou des sacrements

Toute liberté, quelle qu’elle soit, est forcément encadrée

Nul n’est seul en ce monde et chacun peut se faire recadrer

Dés lors que l’homme comprend qu’il ne peut rien construire sans l’autre

Il en devient plus humble et, du « mien » en fait « nôtres »

C’est ainsi qu’il acquiert alors une véritable posture professionnelle

Et saisit alors qu’en lui  parle tout un ensemble institutionnel

A présent notre arbre a 40 ans, il est solide,

Il a vieilli, certes mais n’a pas pris une ride

Valorisons-le aujourd’hui auprès des pouvoirs publics,

Enrayons de ce pas un monde que de fric et de flics

Continuons à faire entendre la voix de la prévention

Et nous aurons gagné une bataille sur la seule répression.

Si l’association voit loin, cette quarantaine restera euphorique

Et les sourires à l’avenir deviendront pléthoriques….

( 29 décembre, 2013 )

La vestale de feu et le dragon des glaces

La vestale de feu et le dragon des glaces

Jadis une femme de Dieu, trop jeune, dans la vertu fut enterrée
Sortie d’elle, c’eût été dans la terre qu’elle eût péri
Croyante, forte et confiante, un sacerdoce pour l’enferrer
Vesta lui refusant l’amour charnel qui pourtant l’aurait guéri

Au fil du temps cette superbe vestale voyait son cœur s’affadir
Les rituels, les oboles, les prières jalonnaient son univers
Elle maintenait le feu sacré mais son âme ne pouvait plus grandir
Manque de mains, de mots, pour la séduire, l’aduler et lui plaire

Elle s’occupait des démunis, donnait pour deux, trois, quatre,
Toute sa vie à restituer sans rien demander en retour…
Elle maintenait le feu sacré pour les gueux, près de l’âtre,
Mais son corps devenait diaphane tant oublier furent ses atours.

Très loin de là vivait tapis une chose bien mystérieuse,
Les hommes la vénéraient autant qu’ils s’en tenaient éloignés
Car elle sondait, lisait dans les pensées de façon si curieuse,
Nombreux venaient la voir pour, de l’avenir, se renseigner

Ses prédictions, bonnes ou mauvaises, soufflaient le chaud, le froid,
Tant et si bien que certains l’avaient nommé d’un bien curieux patronyme
Dragon des glaces susurraient-ils… Se prenant parfois pour des proies
Au fond il leur restait étrange et sa réalité demeurait anonyme

Certains, tels de preux chevaliers, venaient se mesurer à l’entité
Ils pensaient dominer leur futur  mais très vite touchaient terre
Glacés, ils s’en retournaient alors, le dragon ne voulait pas de vains entêtés
Pas plus d’élèves ou d’odieux fanatiques, son petit clan seul lui servait d’éther…

De son côté, la vestale aussi voulait connaître son avenir
Et comme de façon fortuite, du dragon, elle eut vent
Elle décida de se risquer aux brûlures et à la glace, plus forte qu’avant
Une question sur l’avenir : un autre que dieu pourrait-il, par amour, la ravir ?

D’un long pèlerinage en terre inconnue, enfin, elle parvint
Elle était sortie de sa cage et en arriva, au terme, à une petite grotte
Son cœur battait fort, demi-tour impossible : en contrebas, un immense ravin !
Elle s’avança, voûte obscure, tâtant le terrain de ses mains, de la pointe de ses bottes

Au fond du tunnel, une lumière jaune, là-bas, luisait
La grande dame s’en approchait, baissée, à pas feutrés
L’ambiance mystérieuse, le risque et la nouveauté, tout cela au fond lui plaisait
Lorsqu‘un son, plutôt fort et guttural, surgit des entrailles

Tout d’abord la prêtresse ne distingua qu’une ombre fugitive,
Puis celle-ci grandit et laissa percevoir une silhouette
Redingote, haut de forme, au terme de dragon, elle resta rétive
Car quoi de la bête demeurait-il dans cette apparence un brin fluette ?

Le mal nommé dragon s’approcha à pas souples de la belle
A cinq mètres, il stoppa net, comme pris d’un étrange pressentiment
Qui était donc cette femme drapée de soie et de flanelle ?
Pourquoi donc ce charme dégagé le paralysait-il si intimement ?

La vestale fut la première à prononcer des mots
Elle balbutiait, impressionnée, face à cet être désarçonnant,
Les phrases, très vite, furent oubliées, idem sa douleur, idem ses maux,
Son désir d’avenir lui -même, face à lui, lui semblait dissonant.

Une chaleur intense se dégagea alors des deux êtres,
Une forte condensation se chargea de transformer l’ambiante humidité
Une attirance naissait mais le dragon se reprit avec sévérité,
Il préférait glacer ses sentiments et tenter de ne rien laisser paraître…

La vestale repartit déçue mais au fond d’elle elle se doutait
Que sous ce cœur refroidi par les contraintes se cachait un brasier,
Elle revint donc chercher cet attrait que pourtant elle redoutait :
Transformer un amour en trahison : voilà le risque pour se rassasier!

Le dragon, lui, était tout autant attiré que gêné, voire parfois apeuré,
Car son intimité, son clan, sa famille, il voulait préserver,
La grande dame devenait par là-même tout autant adorée qu’abhorrée,
Le pire provenait de cet ensorcellement duquel il ne parvenait à se sauver.

Nonobstant, une apothéose couronnait chaque nouvelle rencontre
Les dieux, si loin là-haut, si distants , commençaient eux-mêmes à s’étonner
Ce n’était pas que, de ces coups de foudre, ces orages, ils furent contre
Toutefois, jusqu’à présent, ces démiurges étaient les seuls à savoir faire tonner ?!

Et leur femme, la prêtresse, devenait vestale de feu hors des bienséances
Et, bien que son mâle, après les effluves, tentait un nouveau refroidissement
L’appel de la foudre , ce chaudron d’étincelles, recouvrait toute créance
Le dragon rugissait, la vestale en jouissait, au ciel montaient les mugissements

Pour les mortels, cet amour intense, électrique, défrayait la chronique
L’oracle tant décrié et tant célébré était-il devenu sacrilège ?
Déjouait-il le divin? Etait-il devenu le Malin ? Vent de panique !
Toujours fût-il que du jour au lendemain il perdit tous ses privilèges.

Son clan seul n’en savait rien et dans cette méconnaissance,
Le dragon ne se sentait pas très fier, de tendre, il devenait austère
Car il savait beaucoup sacrifier pour vivre cette seconde naissance,
En l’occurrence, pour éviter de tout détruire, il savait que mieux valait se taire
Mais le temps devenait une arme terrible contre laquelle il se savait perdant.
Comment durer dans la duplicité ?

( 26 décembre, 2013 )

EL PEDRO

 

EL PEDRO

 

Quatre vingt six ans de bons et loyaux services

Avec, à la fin, une après-midi de supplice.

 

Couronnons en ce jour ce dont nous nous souvenons de lui

Et cessons de nous lamenter sur son image qui, en nous, luit.

Car cet homme, d’être notre géniteur, restera dans nos cœurs.

 

Tel un bâtisseur de génie, il a gravé à jamais nos corps

Tout comme il cimentait ses moellons, il a incrusté notre chaire

A l’encre indélébile, el Pédro nous apprit des choses chères.

 

Mais quel put bien être son enseignement primordial ?

Etait-il concentré dans son moral d’acier si spécial

Car pour cet athée confirmé, le chemin de croix n’a pas été qu’illusion.

 

Enfance malheureuse, une mère à la trop précoce disparition,

Une société qui exploitait dés 12 ans une jeunesse dépréciée,

Un despote qui détruisait les opposants sans aucune piété 

Un univers qui ignorait le sens même de pitié

Un exode qui, déracinement oblige, laisse à jamais nostalgique.

Enfin trois guerres successives fustigeant les  idéologies magiques.

 

De cela, nihilisme oblige, les illusions rouges ou noires ne tiennent plus.

Notre tendre géniteur ne dut croire qu’en lui-même pour son salut !

 

Mais ses nerfs d’acier ne sont pas ses seuls héritages.

Notre époux, papa, et pépé bien que dur, demeurait un sage,

N’oublions jamais qu’il marqua son existence par ses dons et créations.

Maçons de profession, il mit toujours son art à contribution,

 

Pour se bâtir des descendants avec sa compagne éternelle,

La Maria qui, sans faille, le suivit jusqu’au bout du tunnel…

 

Afin de contenter fils, filles, gendres et brus, que n’aurait-il pas fait ?

Dévoué à l’extrême, il ne refusait rien à ceux qui lui demandaient.

De ses deux mains, il fit cinq fois plus que certains avec dix doigts

Même si, au fil de l’âge, ces soutiens pesaient de plus en plus de poids.

 

Cet homme de travail ne put partir qu’un jour de fin de semaine,

C’est pourquoi il la laissa filer et saisit sa fin comme aubaine

 

Dimanche est pour lui bien plus jour de repos que du Seigneur,

Alors, profitant des fins de fêtes et de ce répit bien gagné, il meurt…

Quittant ses enfants et sa femme exemplaires qui, pour un instant,

Venaient de détourner leurs yeux de son corps dignes mais souffrant.

 

Cette dignité l’aura tenu jusqu’au bout, même lorsqu’il n’en put plus,

Ce fut comme si, de sa vie et de sa mort, il avait toujours su.

 

Pas de pleurs ni de lamentations immodérés étaient les vœux du pépé,

Pour cela, il est parti sans yeux exorbités, en paix, sans épée

 

Retenons la leçon ! Elle grave en nous l’essence même de l’existence.

Inclinons-nous devant cette pensée :

 

Ce petit homme était immense !

Il savait suer, penser, jouer et danser,

Et si sa vie ressemble à une longue romance

Ce fut parce qu’il ne s’arrêtait guère pour prendre de vacances !

 

S’il n’ya que dans la mort que les choses s’affirment,

Ce grand homme, de son vivant, créa sa propre firme.

 

Il nous apprit que, tant que la rivière intérieure en nous coule

Il faut rester droit, fier  et marcher dans la houle

 

Jusqu’au trépas…

 

Puissions-nous toujours l’entendre et le retenir…

 

 

 

( 24 décembre, 2013 )

Le mariage de Diddl et Diddlina

 

Le mariage de Diddl et Diddlina

 

 

Le plus grand des mariages de tous les temps allait débuter d’une minute à l’autre. Coraline et Solène étaient venues y assister accompagnées de leur ami respectif, Olivier pour l’une et Abdel Kader pour l’autre. Elles étaient habillées de très jolies jupes à volets  roses pour la plus grande et mauve clair pour la plus petite. Des kikis fluorescents dans leurs cheveux bien peignés, elles avaient mis des heures à se préparer. Toutes deux avaient obtenu leur place des mois à l’avance, alors même que la première publicité pour ces noces de prestige venait tout juste de sortir. Pour elles, il aurait été hors de question de louper une telle occasion. Diddl avait toujours été le compagnon idéal de Coraline. Sa peluche l’accompagnait dans son lit et ses trajets pendant que ses affiches s’accumulaient sur les murs de sa chambre. Quant aux affichettes présentant des dessins de Diddl et Diddlina tendrement enlacés ou volant vers des nuages roses bonbons, elles représentaient des bonnes monnaies d’échange avec les copines de l’école. Solène était un peu plus suiveuse dans ce domaine : elle avait pour sa part un faible plus prononcé pour Dora l’exploratrice, dont elle possédait une grande part des dessins animés et quelques jeux vidéos. Cela dit elle craqua lorsque Coraline décrocha  les deux places pour assister au mariage du siècle.

 

Il avait tout de même fallu pour en arriver là que les deux fillettes fassent la connaissance de ce vieux marchand écumant les marchés des communes alentours. Leur mère, Anabelle,  aimait faire le marché le dimanche matin et ce fut au cours de l’une de ces sorties dominicales que les filles rencontrèrent cet homme étrange. Un peu à l’écart des étales sagement alignées, il ne proposait que quelques graines  réunies dans un pot en verre. Cela attira les deux petites. Solène, plus jeune, demanda tout de go la raison pour laquelle il s’était autant éloigné de la  place où s’agglutinaient les autres vendeurs. L’homme répondit que les articles qu’il avait à vendre étaient très spéciaux. Solène questionna, un brin provocante, si c’était des graines pour les oiseaux ? L’homme partit d’un gros et franc rire. Son ventre proéminent sursautait au rythme saccadé de ses contractions cependant qu’un large sourire barrait son visage jovial. Non répondit-il, ce sont des graines pour les cerveaux. Devant l’étonnement des deux jeunes filles, il sortit l’une d’entre elles et commença à expliquer que le destin de ces germes dépendait de leur acheteur. Entendant cela, Anabelle, dans un acte protecteur, incita ses filles à retourner sur la place, là où les « vrais vendeurs »  avaient de « vraies choses » à vendre. Elle destina un sourire poli qui obturait toute discussion possible. Cependant, le vendeur tenait à offrir un cadeau à ses deux visiteuses. Il donna une graine à chacune des petites et leur recommanda, en messe basse, de les avaler une fois au lit.

 

Elles les prirent et, sous la pression maternelle, expliquèrent simplement qu’elles comptaient déposer la graine dans leur tirelire.  Le soir venu, les deux fillettes avalèrent leur mystérieux cadeau. Au réveil, Coraline et Solène constatèrent avec étonnement que d’une part elles étaient dotées d’une incroyable énergie, d’autre part, elles avaient fait de si jolis rêves que cela ne leur donnait qu’une envie : y retourner ! Leur journée fut exceptionnellement paisible : pour peu qu’un événement difficile survînt (un contrôle de mathématique par exemple), elles n’avaient qu’à se replonger quelques temps dans leur songe nocturne pour traverser l’épreuve sereinement.

 

Le dimanche d’après, elles profitèrent toutes deux que leur mère fasse l’achat de quelques légumes pour retourner en douce vers ce qu’elles appelèrent dorénavant leur « marchand de rêve ».  Il leur confirma alors ce dont elles s’étaient doutées : il était bien un marchand de songe. Ses derniers étaient concentrés dans des graines et prenaient des formes différentes en fonction des rêveurs.

 

Monsieur Passeur, marchand de rêves, était très- très vieux et avait commencé ses activités bien avant l’arrivée du Père-Noël. Ce dernier était en fait arrivé des siècles plus tard et ne s’adressait qu’à une catégorie de personnes tandis que lui vendait ses rêves au tout-venant. Une autre différence de taille était que Monsieur Passeur, contrairement au Père-Noël, qui lui ne travaillait que le 24 décembre au soir, était tous les jours en action. Il avait donc très vite dû prendre des aides pour effectuer ce vaste labeur de par le monde.

 

Toujours était-il que depuis ce temps là, Coraline et Solène revenaient le plus régulièrement possible, les dimanches et certains mercredis, dans d’autres communes où le marché avait lieu, voir monsieur Passeur. Leur mère n’en était plus inquiète car elle s’était aperçue que le vieil homme n’était pas néfaste pour ses enfants. De plus, il les amusait et parvenait, chose étonnante, à leur inoculer des pépites de joie dans les yeux. Ce qu’elle ignorait en revanche, c’était l’argent que les filles prenaient en cachette dans leur tirelire pour en faire l’échange avec leurs graines de rêves. Cela dit, le marchand ne réclamait jamais beaucoup puisqu’il se basait sur leur bon cœur : les filles donnaient ce qu’elles voulaient. 

 

Ce fut par ce biais qu’elles en arrivèrent à ce fantastique mariage. Habituées des rêves en couleur et en musique, elles avaient acheté les brochures spécialisées que le marchand  donnait une fois par mois. Sur ces livrets figurait une liste composée d’une centaine de rêves fabriqués dans les usines « Passeur & scie ». Chaque mois les enfants avaient la possibilité de faire un choix de rêves comportant chacun des tarifs indicatifs. Ils pouvaient ainsi, en fonction de leur budget, faire des choix par ordre d’intérêt. Or, lorsqu’en ce mois de mai baigné de soleil, Coraline ouvrit son périodique pour constater que le rêve du mariage de Diddl et Diddlina était disponible, son sang ne fit qu’un tour. Elle savait que certains rêves très convoités, ne restaient pas longtemps disponibles à la vente et il lui fallait se dépêcher. Elle était alors prise entre deux feux : elle voulait en faire part à sa sœur pour qu’elle en profitât elle aussi mais cette dernière étant déjà partie à l’école, allait-elle attendre le soir pour commander ? Elle finit par trancher contre son vœu initial : elle le commanderait avant d’en avoir discuté avec sa frangine et partirait seule à ce fameux mariage. La journée passa, elle alla en classe, proposa la destination à Olivier, son amoureux, et eut une joie de plus lorsqu’il lui promit de l’accompagner. Le soir, Solène acheta elle aussi, dans un mouvement très spontané,  une place pour elle et une pour son chéri Abdel-Kader. 

 

A présent elles étaient là, sur cette plage gigantesque de Miami, debout les pieds dans le sable, un verre de Champomy en main, à contempler leurs héros préférés. Une musique d’ambiance égayait l’atmosphère. Placés sur un podium, Diddl et Diddlina levaient les mains en l’air pour remercier la foule réunie qui les acclamait et les prenait en photo. L’instant était magique. Une grande partie de l’école à Solène et à Coraline s’était déplacée pour l’occasion. Dans la pénombre éclairée de flashs multiples, elles reconnurent entre autres Océane, Cédric, Théo, Amandine, Clara. Mais c’était surtout les stars présentes qui les impressionnèrent le plus : La plus grande partie des Winx avec Bloom en tête, la fée aux magnifiques cheveux roux accompagnée de Prince Sky ; Stella, fille de la Lune et du Soleil et ses grands cheveux blonds, pour sa part aux bras de Brandon ; Flora, fée de la nature, cheveux châtains ; Musa la brune fée de la musique et Riven.  Leur mini fée, Riff, Lockette et Chatta, tournoyaient autour de leur muse. A leur côté, comme un fait exprès, les stars de la prestigieuse Princesse Académy étaient elles-mêmes réunis en demi cercle : princesse Sophie, princesse Alice, princesse Daisy, princesse Charlotte, princesse Cathy. Quel bonheur, songeait Coraline, de retrouver pour de vrais (ou presque) ses héros et héroïnes préférés !

 

Solène n’était pas en manque puisque Dora avait fait le voyage en personne, accompagnée de son singe ; la Barbie qui avait jouée dans le rôle de casse-noisette côtoyait celle qui avait fait le lac des cygnes.

 

En bref, toutes les conditions étaient réunies pour que la soirée fût éblouissante. Cela commença très bien puisque Diddl et Diddlina, tendrement enlacés, s’élevèrent vers le ciel. Celui-ci, jusqu’alors rouge/ couché du soleil,  se teinta en rose et de gros nuages de la même couleur les accueillirent. Ils s’assirent sur ces sortes de gros fauteuils mous et regardèrent leurs invités. Diddl, toujours malin, prit un bout de nuage et le porta à la bouche. Dans la foule, des rumeurs prétendirent que les nuages étaient confectionnés en Chamallow.  Diddlina mit la main à sa poche et en sortit une aiguille. Elle perça le nuage : des confettis en jaillirent. Le jet les projetait dans le ciel et ils commençaient à redescendre vers les convives en virevoltant dans une chute légère. Les plus grands ramassèrent les premiers confettis, les portèrent en bouche et s’exclamèrent, étonnés et enchantés, qu’il s’agissait de guimauve de chewing-gum.  Tout le monde se jetait dessus à présent, chacun voulant une part de cette délicieuse confiserie. Pendant ce temps, le nuage de Diddl et Diddlina  se dégonflait doucement précipitant une lente chute vers le bas. Lorsqu’ils se retrouvèrent à deux mètres du sol, Diddlina sortit de sa poche un petit bouchon en liège qu’elle appliqua sur le trou. Les confettis de guimauve cessèrent de pleuvoir et le nuage stagna au-dessus de la tête des convives hébétés.

 

Durant ce temps, les invités mangeaient et faisaient des bulles qui se gonflaient et éclataient de part et d’autre. Diddl prit un micro et dit que la soirée leur réservait beaucoup d’autres surprises mais il avait prévu pour l’heure la plus attendue aux estomacs affamés.  A l’aide d’une petite baguette, il pointa  dans la foule un homme porteur d’un chapeau melon et d’une cape. Diddl invita ainsi le fameux magicien Mandrake à monter sur la scène. Mandrake, vêtu d’une grande cape noire à la doublure intérieure rouge, ne se fit pas prier : il s’éleva soudain vers le nuage, propulsé par ce qui semblait n’être que la force de sa pensée. Une fois parvenu à une certaine hauteur, il resta debout sur le coussin nuageux, remercia les mariés de l’avoir invité et commença aussitôt ses tours de magie.

 

Il pointa tout d’abord sa baguette vers la plage et formula le mot « saccharose! ». Aussitôt les petits grains de sable se transformèrent sous les pieds des convives en autant de petits bonbons de couleurs. « Des Car-en-sac ! », s’écrièrent ceux qui connaissaient ce genre de friandises acidulées. Le même phénomène de bousculade reprit. Prince Sky poussant Bloom, qui momentanément semblait ne plus avoir aucun intérêt à ses yeux ;   Flora, la fée de la nature gela un bout de terrain pour s’emparer à l’aide de ses mains gantées d’un bout de glace comprenant au bas mot une cinquantaine de bonbons ; les mini-fées se frayaient des passages facilités par leur taille autour des pieds et des mains des gens déchaînés (Lockette se fit même marcher sur une aile) ; même les belles aristocrates de la Pincesse Academy s’arrachaient à toutes convenances : princesse Cathy bouscula princesse Charlotte qui se fit elle-même pousser en avant par princesse Daisy ! Pendant ce temps, d’autres avaient mis en place des stratégies moins brutales : Dora l’exploratrice s’était tout simplement éloignée du tumulte pour remplir bien tranquillement son sac-à-dos de petits car-en-sac. Les Barbies remplissaient leurs chaussures à talons de bonbons. Abdel Kader et Olivier, eux, voulaient prouver à leur amoureuse leur force, ils rentraient dans la mêlée comme de véritables rugbymen.

 

Une fois tous rassasiés, les invités reportèrent leur regard vers le magicien. Mandrake les félicita de faire ainsi honneur à son repas. Diddl et Diddlina, également excités, mangeaient pour leur part de grosses glaces chocolat- vanille- pistache en se prélassant sur leur nuage de chamalow- guimauve. Diddlina remercia ses amis et leur expliqua que leur bonheur remplissait tout son cœur de joie.

 

Mandrake dirigea sa baguette vers la mer.

 

- Vous avez encore faim, n’est-ce pas ? Les car-en-sac ne sont qu’un début. Regardez ces vagues, voyez comme ces rouleaux se projettent sur la plage !  Vous avez déjà rêvé de manger des bouts de mer !?

 

Tous hurlèrent « oui! », des sifflets retentirent, les pinces et princesses levaient les bras en écho en esquissant quelques pas de danse.

 

- Et bien  regardez ce que je vais faire de ces vagues, de cette houle, de cette eau salée ! Régali- régala, en réglisse tu te transformeras !!

 

            Là-dessus, les flots d’écume perdirent de leur vitesse, l’eau bleue se noircit,  du sucre s’écoula de chaque rouleau. Mandrake poursuivit d’une nouvelle formule magique : « Créma Miko, en glace ta houle fera place ! » Tous comprirent alors qu’il était en train de transformer la mer en  rouleaux de réglisse et en crème glacée !

 

            Pris d’une totale frénésie,  tous les convives se jetèrent à l’eau (qui n’en était plus) en braillant telle une armée d’affamés prête à livrer le plus grand des combats.   Comme tout à l’heure pour les car-en-sac, nul ne se soucia des convenances : ils se bousculaient en tous sens, ne voyant que le bonheur que leur procureraient les gourmandises.

 

            Coraline et Solène auraient voulu que leur prince charmant, Abdel Kader et Olivier, leurs ramènent un peu de glace au chocolat, un peu à la vanille et quelques rouleaux de réglisse mais c’était apparemment peine perdue vue la façon dont ils s’étaient eux-mêmes précipités dans la cohue. Si bien qu’elles durent faire comme les autres princesses elles-mêmes peu secondées par leur chevalier. Aussi, partirent-elles en criant, espérant impressionner ceux qui leur barrerait la route. Mais tous étaient dans le même état d’esprit et il n’était pas question de céder sa place.

 

            Une fois correctement rassasiés, Mandrake continua ses tours en demandant si chacun des convives avaient déjà rêvé de dévorer un bout de ciel. Alors, Mandrake leva sa baguette en direction des cieux noircis. Ceux-ci se teintèrent de rose et rouge.

 

            - Vous avez soif à présent !?

 

            Les nuages se craquelèrent soudain pour laisser tomber du jus d’orange par endroits et de la grenadine à d’autres. De grandes bouches ouvertes accueillirent ces rafraîchissements célestes. La bousculade se poursuivit entre ceux qui préféraient la grenadine ou le jus d’orange.

 

            Mais tous furent étonnés et stoppèrent leur recherche lorsqu’une grosse voix s’éleva de derrière la foule.

 

            - Et mon gloubiblougla !! lança-t-elle.

 

            Lorsqu’ils se retournèrent ils constatèrent qu’un gros monstre orange à poids rouge était debout sur ses pattes, les bras largement ouvert en guise de désapprobation. Il s’agissait en fait de Casimir qui réclamait un peu d‘attention. Nul n‘avait pensé à lui dans cette fête! Le gloubiblouga était sa nourriture favorite, pour ne pas dire sa seule nourriture, et il semblait que ce n’était pas au menu du jour ! Aussitôt Diddlina se leva, fit descendre le nuage à hauteur du sol et alla enlacer son vénérable ami.

 

            - Casimir, tu es venu toi aussi ! Je ne croyais pas que tu allais faire ce long chemin jusqu’à nous.  Depuis l’île aux enfants, ça fait un bout de route tout de même!

            - Casimir, faisant une bise sur le front de Diddlina : Je ne pouvais pas rater un moment pareil, voyons!? Je vous aime tous les deux. A aucun prix je n’aurais été absent!

 

            Diddl descendit également pour enlacer à son tour son ami de toujours.  Mandrake, qui était derrière lui, remercia lui aussi chaleureusement Casimir d’être venu et, avec l’autorisation de Diddl, il fit un tour que peu de personnes dans l’assistance était prêt d’oublier. Il prit une des grandes oreilles de Diddl, la dévissa (Diddl n’éprouvait visiblement aucune doleur) et la transforma en une copieuse portion de gloubiblouga. Casimir s’y précipita alors que, bien heureusement,  l’oreille de Diddl repoussa instantanément. Pendant que tout le monde applaudit cette nouvelle prouesse, Casimir dévora son met favori.

 

            Revenant à leurs invités, Diddl et Diddlina lancèrent qu’ils avaient une nouvelle surprise de taille. Car ce n’était pas tout de se rassasier, dit Diddl, il convient de sortir aussi les cadeaux qui accompagnent ce précieux moment. Diddlina pointa alors l’horizon, là où les vagues avaient repris leur mouvement naturel. Loin derrière le ressac apparut soudain deux têtes de cerfs aux grandes cornes recourbées. Les deux rennes en cachaient deux autres qui nageaient visiblement à grande vitesse, tirant derrière eux ce qui semblait être un homme en robe de chambre rouge visiblement sur une planche de surf. Sur le coup, tous crurent avoir des hallucinations : était-ce possible ? Ce qu’ils pensaient alors était-il de  l’ordre du crédible ? Plus il se rapprochait et plus sa silhouette imposante apparaissait clairement. L’homme avait une capuche sur la tête, une barbe blanche, un visage ridé, un grand manteau rouge aux revers blancs et surtout une très profonde hôte bien calée sur son dos. Nul doute ne demeurait possible : il s’agissait bien du Père-Noël !! Plus encore, sur ses côtés, sur les ailes gauches et droites, d’autres silhouettes surgissaient à présent. Là encore, pas de doutes, il s’agissait des lutins du Père-Noël ! Oreilles et nez pointus, ils étaient debout sur leur scooter des mers et fonçaient droit devant. 

 

            A quelques cent mètres de la côte, les rennes tracèrent alors un arc de cercle brutal si bien que le Père-Noël lâcha les reines et partit en ligne droite en direction des invités. Son corps sortit totalement de l’eau et, incliné de profil, il entreprit trois virages contrôlés et s’arrêta sur la grève. Dans un brouhaha inconcevable, tous les invités se précipitèrent dans sa direction. Le singe de Dora lui monta aussitôt sur l’épaule pendant que sa maîtresse chercha à le disputer pour inconvenance. Mais le Père-Noël lui demanda de le laisser faire. D’ailleurs, le singe fut le premier servi : quelques bananes (banales mais toujours de bonnes augures) lui furent offertes. Le Père-Noël descendit de sa planche de surf et commença, aidé de ses lutins qui faisaient une chaîne, une distribution que personne sur cette plage de Miami n’était prêt d’oublier. Le plus surprenant était que de son sac, relativement modeste en taille, le Père-Noël  était en capacité de sortir des tas de peluches et jouets bien plus volumineux.

 

            Coraline obtint une peluche grandeur nature de Diddl et Didlina main dans la main. Ils bougeaient la queue et pouvaient dire quelques mots. Plus que des animaux domestiques, il s’agissait de reproductions à une échelle inférieure des deux petites souris. Solène eut une Dora l’exploratrice aux yeux brillants, rouges. Elle avait la capacité, lorsque Solène actionnait la petite manette située dans le lobe de ses oreilles, de s’envoler dans les airs par le biais de ses cheveux qui se mettaient à tournoyer comme des hélices d’hélicoptère.  Abdel Kader obtint comme cadeau une voiture à chenilles dans laquelle il pouvait rentrer tout son corps. Il avait ainsi la possibilité de conduire en toute sécurité sur la grande plage de Miami. Olivier reçut une console de jeux qui avait la particularité de s’auto-alimenter : autant dire trouver par elle-même tous les jeux existants sur terre. Tous les autres furent également gâtés au-delà des espérances. Les princesses, qui voulaient ressembler à des fées, recevaient des baguettes magiques qui permettaient réellement de transformer les humains en animaux ; les fées, qui voulaient ressembler à des princesses, pouvaient revêtir de somptueuses toilettes, robes à volants, collants à paillettes, couronnes en guise de diadème…

 

            Cela dit, l’instant des cadeaux n’était au fond pas plus merveilleux que les autres : dans ce monde tout était fabuleux, chaque moment était magique et Coraline se frotta les yeux plusieurs fois en ne revenant toujours pas de la chance qu’elle avait. Elle voulait pour l’heure aller avec sa sœur remercier et enlacer le Père-Noël. Bloom et Stella les croisèrent en chemin :

 

            - Ah mais ce sont nos deux frangines favorites!

 

            Coraline, interloquée, s’arrêta :

 

            - Mais comment savez-vous que nous sommes sœurs ?

            - Stella : Ben voyons, Coraline et Solène, pour ne pas vous connaître, il faudrait passer tout notre temps les yeux fermés et les oreilles bouchées !

            - Coraline : Comment ça !?

            - Solène, en écho : Oui, comment ça !!? Là on comprend rien!…

            - Bloom : Vous êtes nos héroïnes, mes cocottes.. On lit toutes vos histoires en BD, en bouquin de poche, on vous voit à la TV, on entend conter vos histoires à la radio. Vous êtes des stars les filles !…  

            - Coraline, consternée puis gênée, embarrassée : Mais ce sont vous, nos héroïnes !! J’ai des dessins animés de vous,  je lis des histoires sur vous presque tous les soirs avant de m’endormir, je…

            - Là-dessus, princesse Sky, venant enlacer Bloom avec son tout nouveau pistolet à éclairs en main : Oh mais c’est Coraline et Solène !! Diddl et Diddlina ont vraiment bien fait les choses… Casimir, le Père-Noël et maintenant nos idoles favorites, merci les amis!!!

            - Voyant les filles ouvrir de gros yeux, Stella expliqua aux filles qu’ici, le monde était inversé, ici, elles étaient leurs égéries, rien de plus à comprendre, puis, lorsque  Musa vint lui susurrer quelques mots à l’oreille, elle s’excusa au nom de toutes les Winx. Il était temps pour elles de repartir, elles venaient d’apprendre par courant maritime transatlantique flash qu’un espadron cendré, mi-dragon/ mi-poisson à tête de scie,  menaçait d’envahir leur château.

 

            Tout le cortège des Winx repartit aussitôt en se propulsant au-dessus de l’océan, non sans dire toutefois un dernier merci à Coraline et Solène ainsi qu’à leurs hôtes. 

 

            Les filles n’en revenaient pas. Encore ébahies, elles allèrent faire la queue pour toucher le Père-Noël, déjà entouré d’autres enfants. Pendant ce temps, Princesse Charlotte, maîtrisant encore mal ses nouveaux pouvoirs, affubla princesse Daisy d’un groin de porc.       Daisy, nouvelle fée, dotée d’une baguette en carapace de tortue, fit pousser une queue de vache sur le petit derrière de Charlotte.

 

            Lorsque vint leur tour, les filles serrèrent dans leurs bras et embrassèrent un vieux monsieur couvert d’humidité, d’écume marine. Il leur promit, contre leur sagesse, encore de beaux Noëls à venir couverts de cadeaux et de friandises. Il leur dit aussi qu’il était fier de les rencontrer et leur demanda un autographe. Comme il leur tendit un bout de papier et un stylo, elles ne purent se désengager. Une fois la double signature remise en lieu sûr, le Père-Noël repartit, rechaussant son surf des mers et commandant ses rennes. Ces dernières partirent en nageant avec fougue, tirant leur maître avec force.  Les lutins, remontèrent sur leurs motos des mers et, dans une gerbe d’eau, se remirent à foncer vers l’horizon. Maintenant, le Père-Noël surfait sur une vague qui, bizarrement, repartait vers le fond de mer à contre-courant. L’effet était étonnant : cette vague géante se déroulait plutôt que de s’enrouler et le vieil homme  paraissait jeune, debout et dominateur, en équilibre sur sa crête. A cette vitesse il rattrapa les rennes et en vint très vite à les tirer à son tour. Les animaux redoublèrent alors de vitesse pour redevenir les moteurs de cet appareillage improbable puis… ils s’approchèrent de l’horizon et ils disparurent.

 

            Une cloche retentit. Son gros bruit retint l’attention de tous. Diddl et Diddlina étaient remontés sur leur nuage rose. Celui-ci s’éleva à nouveau à quelques mètres du sol. Diddlina prit la parole :

 

            - Merci mes chers amis d’être venus ce soir.  Nous allons à présent célébrer nos noces. Mais avant cela savez-vous qui préside habituellement aux mariages ?

            - Coraline leva le doigt en même temps qu’Océane mais elle fut choisie de l’index pointé par Diddlina : Le curé lança-t-elle, fière de montrer qu’elle avait retenu ses leçons de catéchisme.

            - Et que représente le curé, ma belle ?

            - Le père ou le frère…

            - Ca il ne le représente pas, il l’est. Non, il représente Dieu, n’est-ce pas ?

            - Oui…

            - Et  bien en ce jour, la plus grande des surprises est pour maintenant…

            - Diddl poursuivit sur cette idée : Figurez-vous que comme nous n’avions pas de curé sous la main, nous avons dû nous rabattre sur celui qu’il représente habituellement.

 

            Dans l’assistance, personne ne voulait y croire, ce n’était pas vrai, il y avait des limites à toute imagination !

 

            - Diddl, fièrement : Et oui, nous avons fait appel au Tout-Puissant en personne pour célébrer nos noces. Il s’empara d’un micro surgit de nulle part et lança, l’index pointé vers les cieux : Qu’on l’appelle Yahvé, Jéhovah, Allah ou un autre nom que les peuples utilisent pour le nommer, sachez que ce soir, il est… Avec nous!!! Un effet écho en cathédrale accompagna ces derniers mots pendant que la musique se fit plus forte. La voix était à présent moins réverbérée : Je vous présente donc celui dont tout le monde parle sans jamais avoir osé penser le voir un jour ! Celui sans qui nous ne serions pas là! Celui par qui tous les petits bonheurs et les gros malheurs arrivent ! J’ai nommé : le tout-puissant !!

 

            De la musique techno était à présent crachée dans les enceintes entourant la plage. Quelques éclairs zébraient le ciel. Une  lumière vive se fit, éclairant un ciel noir à peine illuminé par quelques projecteurs. Ce fut alors qu’un nez gigantesque sortit de derrière le nouvel halo lumineux. A ce nez était associé des joues puis un menton barbu, et au-dessus un front recouvert par d’épais cheveux noirs.

 

            Sur la plage, tous étaient à présent assis, voire couchés sur les restes de car-en-sac mélangés au sable local. Ils admiraient l’image de ce qu’ils avaient sous les yeux et s’exclamaient, incrédules :  C’est donc lui ! Il ressemble à cela ! Un homme géant !  Plus grand que le ciel ! Mais où sont ses pieds, ses jambes, son buste, le reste de son corps !? Comment va-t-il, si grand, les bénir et les toucher sur le front par le signe de la croix comme tout curé digne de ce nom le fait d’habitude !?

 

            Dieu semblait avoir entendu ces quelques questions, surtout la dernière, car une main parue sous son large menton. Ses yeux se froncèrent. Il semblait embarrassé, il paraissait réfléchir.

 

            Son raclement de gorge fit tonner le ciel tel un orage d’été. Aussitôt il rapetissa, diminuant de volume pour prendre une taille 100 fois moins grande environ. Certes, il restait un géant mais il pouvait à présent au moins avoir les deux pieds sur terre. Juché sur ses échasses de dix mètres de jambes, il se baissa vers les mariés et formula quelques phrases dans un fort accent gascon : dieu roulait donc les R !! En outre il avait le double tic du « n’est-ce pas » et du « sommes-toutes ». Cela donnait un ton étonnant, voire drôle, à ses propos. Sans compter qu’à la place de dire « notre seigneur », il n’avait qu’à dire moi-même.

 

            Il s’exprima : Mes trrrrès cherrrs amis n’est-ce pas. Vous êtes aujourrrrd’hui invités à la fêtes, je veux dirrrre au marrrriage, n’est-ce pas, de vos non moins cherrrrs amis Diddl et Diddlina en perrrrrsonnes. Moi je suis là pour célébrrrrrer, sommes toutes, ces noces. Avez-vous des témoins ?

 

            Diddlina répondit que tous ici devaient être témoins. Dieu le reprit : il fallait un couple pour que leurs bébés à venir disposent d’un parrain et d’une marraine. Diddl désigna alors, à la surprise de tous et en priorité des premières concernées, Coraline et  Solène. Dieu reprit : une marraine et un parrain, pas deux marraines ! Diddlina tint tête : Solène et Coraline sinon rien ! Dieu songea aux couples homosexuels nouvellement à la mode, haussa les épaules  et s’inclina. Il  pointa alors de l’index (il avait fait attention à bien choisir son doigt), les deux fillettes qui s’élevèrent aussitôt dans les airs pour rejoindre le nuage. Solène se mit aux côtés de Diddlina et Coraline de Diddl. La cérémonie pouvait commencer.

           

            Dieu : Ceci étant par volonté divine, ma volonté vous l’aurrrrez comprrrris, j’y commence sans plus attendre une minute : Au nom de moi-même, de mon fils et du Saint Esprit n’est-ce pas (Saint-Esprit que j’ai également bien connu puisqu’il était le cousin de l’arrière grand-père de mon fils sommes toutes). Donc au nom de tous ceux-là et de moi-même bien entendu, je vous unis parrr les liens sacrrrrés du marrrrriage. 

 

            Lorsqu’il effleura leur front, ne se rendant pas compte que sa taille lui conférait une force prodigieuse, il désarçonna Diddl de son nuage. Celui-ci fit une chute de 15 mètres et fut rattrapé in extremis par un matelas pneumatique géant que princesse Daisy, dorénavant affublé d’un groin de cochon, fit apparaître en toute hâte. Elle-même étonnée par ce réflexe qui relevait du prodige, elle lâcha, une main devant la bouche, un « groups » caractéristique. Elle avait en fait suivi la scène et n’avait fait que penser à ce matelas en serrant sa nouvelle baguette. Une fois le prodige exercé, elle tomba cependant dans les pommes, trop excitée par ses nouvelles capacités.

 

 

            La main de Dieu récupéra Diddl et le replaça sur son nuage. Ses joues se rosirent et sa grosse voix murmura un « Excuse-moi n’est-ce pas!? » mêlé de  plein de bonté et d’embarras. Tout gêné, fort peiné, il  était vrai que Diddl se tenait les reins visiblement endoloris, une larme s’écoula de sa joue. En s’échappant en direction du sol, une dizaine de convives fuirent à toute vitesse. Il faut dire que la larme, deux mètres de circonférence, défonça une partie de la plage, y creusant un cratère d’un mètre d‘envergure environ.

 

            Cela n’empêcha pas Diddl et Diddlina de remercier le tout, ou le trop?- puissant. Ce dernier fit une petite courbette de gratitude avant de repartir sous la forme d’un petit oiseau, un colibri de quelques centimètres de large. Dans l’assistance tout le monde était déçu par cette apparence qui ne convenait pas à quelqu’un de la trempe d’un être divin. Une fois de plus, Dieu semblait avoir entendu les pensées secrètes de ses fidèles car il prit une nouvelle forme cette fois plus adaptée : celle d’un aigle, se propulsant en ligne droite vers d’autres cieux.

 

            Sur la plage, tous applaudirent cette nouvelle et fabuleuse prestation. Cela dit, les discussions allaient bon train : Voilà l’explication de la faible présence, voire de l’absence de présence de Dieu pour les hommes! Ils avaient percé le mystère à présent ! Et quel mystère! Comme à chaque fois qu’un secret millénaire subsistait, son explication profonde en était banale, voire presque ridicule. Dieu ne se présentait pas à l’humanité parce qu’il avait un fort accent, quelques tics et une maladresse congénitale ! Voilà, le secret était révélé à présent, plus de doutes. Il avait bien tous les pouvoirs magiques attendus, savait lire dans les pensées, se transformer, soulever dans les airs les choses et les êtres mais il avait un peu honte de cet accent (et certes, nombreux comprenaient ce sentiment) et encore plus de cette taille gigantesque qui l’empêchait de prendre garde à ses mouvements.

 

            Par la suite, et parce que ce mariage se voulait d’abord joyeux, le DJ des plages remit la musique techno-dance groove à fort volume et chacun des invités dansa jusqu’à plus tard que l’aube.

 

            *******************************************

 

            Le lendemain, à l’école, les enfants, du moins  les plus chanceux, ceux qui avaient pu se payer le luxe de participer à ces noces, se racontèrent leurs rêves inoubliables. Ils étaient globalement tous émerveillés de ce qu’ils avaient vécus. Un seul problème subsistait : réussir à s’entendre sur les témoins choisis du mariage ! Abdel Kader assurait que lui et sa sœur avaient gagné cette place d’honneur. Olivier parlait de lui et de son frère, Chloé aurait été témoin avec sa sœur. Au milieu de ce tumulte, Coraline et Solène stoppèrent assez vite cette vaine dispute : elles savaient intérieurement qu’elles avaient été choisies et personne ne pourrait jamais leur enlever ce moment magique… 

 

 

 

 

 

( 21 décembre, 2013 )

LA BALLADE D’UN MIMI

 

LA BALLADE D’UN MIMI

 

 

Il était une fois un mimi tout gentil

Qui, caché au fond d’une bouche gourmande,

Emmagasinait en lui de très grandes envies,

Enorme était le fruit de ses demandes !

 

Notre mimi, en secret, jalousait son grand frère,

Plus long, plus costaud, tel était le généreux baiser,

Qui, d’une étreinte enflammée, paraissait plus sincère,

Le frangin, frustré, se sentait vraiment lésé !

 

Le baiser, flairant ce désarroi, se fâchait bien souvent,

Arguant à son petit frère la régularité de ses sorties,

Et lui rappelant que, matin et soir, qu’il y ait ou non du vent,

Il avait droit à sa promenade le grand étourdi !

 

Le mimi contrebalançait alors ses courtes durées hors du nid,

Il parlait également de la sobriété de ses échappées,

Se renchérissait aussi sur le peu de passion et l’aspect terni,

De cet acte semblant avoir, subrepticement, “ dérapé ” !

 

D’une oreille blasée, le baiser écoutait ce discours,

Plus têtu, il pensait demeurer le plus à plaindre,

Car, que diable, l’autre disposait de plusieurs recours,

Quand donc allait-il enfin cesser de geindre ! ?

 

En effet, le mimi pouvait devenir volant,

Et, d’un souffle sur une main, voyager,

D’une lèvre à une joue tout en planant,

Pour, tendrement, sur un doux visage, se ranger.

 

Mais le mimi ne voulait pas entendre ces paroles,

Planter au milieu de ses deux lèvres accueillantes,

Il boudait et restait envieux selon son rôle,

Nourrissant ainsi le dilemme de cette légende charmante !

 

( 21 décembre, 2013 )

TOMBER DE RIDEAU

 

TOMBER DE RIDEAU

 

Une catastrophe aujourd’hui.

Catastrophe annoncée

Catastrophe récurrente.

La nuit a chuté sur nous

Une chute de plusieurs étages…

Tel un tapis informe

Elle s’est étalée sur le sol

Et sans mot dire s’est étendue

Décimant les dernières lueurs

Ecrémant les ultimes pâleurs

Ne leur laissant pour témoignage

Dans un ciel neutre et sans âge

Que quelques traînées pourpres

Sang frais que le crépuscule sirote avec avidité

Rouge liqueur rempli de satiété

Colorant ses poumons noirs et cancéreux

Composés d’alvéoles ténébreuses

Désirs malsains et pensées scabreuses

La nuit se répand et pénètre

Et elle oblige à se soumettre

Obscurité partout s’immisce

Par les moindres interstices

La nuit achève son funeste repas

Des dernières lueurs d’un éclairage écarlate

Une lumière se meurt sans mots dire

Face à celle qui le maudit

Silencieux est son ultime soubresaut

Etouffée par ses mains telles des lassos

Observée par cet œil unique

Lueur pleine de son retour chronique

La nuit est assassine pour un temps

Faucheuse à l’œil injecté et glaireux

Elle revendique ses crimes et récidive

Inscrivant ses victoires aux archives

Car dans quelques heures il aura sa revanche

Le jour éteint déjà tressaille

Prêt pour une seconde manche

L’aube très bientôt exposera ses mailles

Eclats d’argent, d’or et de rubis

De blé, de seigle et de pailles

Un étendard planté sur l’autre pubis

En attendant cette autre savoure ses derniers instants

Tout en sachant que toute noirceur, toujours, se pourfend.

 

 

( 21 décembre, 2013 )

AMBI-VALENCE

 

AMBI-VALENCE

 

A valence, j’ai découvert le caractère ambigu qui m’anime :

Aujourd’hui le soleil a brillé toute la nuit

J’ai puisé, sot, tous les sanglots de ton puits

Même les chouettes solaires ululent en chœur,

Aussi fort que le  bercement des combattants de l’Amour

Aussi dure que la soie veloutée de ton pourtour

Ton deuil encanaille le seuil de mes portes

Espèce d’accueil en forme d’écueil en sorte…

Je te vis comme un carnaval en noir et blanc

Qui, cotillons de pluie fine, m’accepte en son clan.

Jusqu’à l’emprisonnement, tes entraves me libèrent.

Jusqu’à l’embonpoint, tes entrailles me digèrent.

Pourquoi ta clarté m’a-t-elle un jour obscurcit,

Telles des vapeurs d’alcool purifiant mon récit ?

Au crépuscule de l’aube, tes charmes dévoilés se dévêtissent,

Face à ces  groupuscules mes sens en pâtissent.

Quand arrêterai-je de commencer et débuterai-je une vraie fin ?

Maintenant sûre-ment !!

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